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Mesures liées à l’impôt minimum de remplacement (IMR) – une pêche à la dynamite?

Hemal Balsara est chef des services de fiscalité, de retraite et de planification successorale au sein de l'équipe de l'Assurance Manuvie. Il fournit aux conseillers de tout le pays un soutien au niveau des dossiers en matière de fiscalité et de planification successorale.


Le budget fédéral de 2023 a proposé des modifications aux règles de l’impôt minimum de remplacement (IMR) qui ciblent certains des Canadiens les plus riches. Les règles de l’IMR ne sont pas nouvelles; elles ont été mises en place en 1986 de manière à promouvoir un système fiscal plus équitable en s’assurant que les personnes à revenu élevé paient un montant d’impôt minimum. Cependant, les modifications législatives proposées (les « modifications ») publiées le 4 août 2023 pourraient entraîner une plus grande complexité et une plus grande obligation fiscale que ce que le ministère des Finances (les « finances ») avait initialement prévu. Elles pourraient aussi concerner d’autres contribuables que ceux qui ne semblent pas payer leur juste part. 

Les modifications proposées visent les Canadiens qui gagnent plus de 300 000 $ par année. Les contribuables devront payer le montant d’impôt payable le plus élevé selon le cadre normal ainsi que les montants déterminés selon les règles fiscales de l’IMR. Les modifications s’appliqueront pour les années d’imposition qui commencent après 2023.

L’IMR est calculé au moyen de la formule suivante : A × (B - C) - D. 

IMR = Taux d’imposition minimum de remplacement x (revenu imposable rajusté du particulier – exemption de base) – crédit d’impôt de base du particulier.

Les modifications apportées aux règles de l’IMR vont modifier la formule et les montants déterminés en fonction du revenu imposable rajusté des particuliers. Les modifications proposées concernant la formule de calcul de l’IMR sont les suivantes :

  • A, qui représente le taux d’imposition minimum de remplacement, passe de 15 pour cent à 20,5 pour cent. 
  • B représente le revenu imposable rajusté d’un particulier aux fins de l’impôt minimum.
  • C représente l’exemption de base de l’impôt minimum. Le montant était auparavant fixé à 40 000 $, mais les modifications visent à faire correspondre ce montant à la quatrième tranche d’imposition fédérale (qui devrait être de 173 000 $). 
  • D représente le crédit d’impôt de base d’un particulier. Les modifications proposées réduiront les montants de moitié. 

La deuxième partie des modifications change la façon dont le revenu imposable rajusté d’un particulier est calculé aux fins de l’IMR (élément B de la formule ci-dessus). Ces mesures pourraient avoir une incidence importante et inattendue sur l’obligation fiscale des contribuables, dont ceux qui vendent leur entreprise, qui font des dons de bienfaisance et qui mettent en place des stratégies de levier financier à titre personnel, y compris avec l’assurance vie.  

Vente d’entreprise

En général, lorsqu’un propriétaire d’entreprise vend son entreprise, il doit savoir que l’IMR risque de s’appliquer en cas de demande d’exonération cumulative des gains en capital (ECGC). Les modifications prévoient que les contribuables qui réclament l’ECGC et qui sont assujettis à l’IMR devront inclure 100 pour cent du gain en capital dans le calcul de leur revenu imposable rajusté, mais qu’ils pourront demander une déduction égale à 7/5 de l’ECGC. En fait, cela se traduirait par l’ajout d’environ 30 pour cent du montant du gain en capital qui faisait l’objet de l’ECGC au revenu du contribuable. Cela ne diffère pas du régime actuel de l’IMR. Toutefois, une fois le taux plus élevé d’IMR proposé combiné à l’IMR provincial, cela pourrait entraîner un taux d’imposition global plus élevé sur les gains en capital comparativement aux situations où l’IMR ne s’appliquait pas. Le taux de l’IMR varie selon la province, mais il se situe en moyenne entre 33 pour cent et 35 pour cent. En outre, aux fins du calcul du revenu imposable rajusté d’un contribuable, les pertes autres qu’en capital et les pertes comme commanditaire reportées des années précédentes seraient limitées à seulement 50 pour cent. De plus, 100 pour cent des gains en capital, des pertes en capital déductibles et des gains provenant de biens meubles déterminés seront inclus dans le revenu imposable rajusté du contribuable, alors que ces montants avaient auparavant un taux d’inclusion de 80 pour cent. En réalité, cela risque de décourager les dépenses en capital plus risquées, puisque la compensation du futur revenu par les pertes en capital réalisées est limitée en cas d’application de l’IMR. 

L’IMR ne s’applique pas l’année du décès d’un contribuable; il est donc peu probable que la planification post-mortem soit concernée par les modifications. Toutefois, si un propriétaire d’entreprise choisit de vendre son entreprise de son vivant, la hausse du taux d’imposition pour les personnes assujetties à l’IMR pourrait avoir une incidence importante sur l’obligation fiscale globale des propriétaires d’entreprise. Il s’agit d’une mesure encore plus punitive lorsqu’un propriétaire d’entreprise souhaite prendre sa retraite et qu’il perçoit un revenu minimal les années suivantes (le cadre de l’IMR prévoit une compensation pour les sept années qui suivent l’année d’imposition au cours de laquelle l’IMR s’applique). Cela équivaut essentiellement à un paiement à l’avance de l’impôt qui ne peut être récupéré par les contribuables que lorsqu’ils perçoivent un revenu suffisamment élevé dans les années qui suivent le paiement de l’IMR pour bénéficier de la compensation. 

Dons de charité

Auparavant, les gains en capital sur les dons de titres cotés en bourse à des donataires reconnus (c’est-à-dire des organismes de bienfaisance, des fondations privées) étaient exclus du calcul du revenu imposable rajusté d’un contribuable. Les modifications proposées intégreront maintenant 30 pour cent du gain en capital dans le calcul du revenu imposable rajusté du contribuable, alors que ce montant était auparavant nul.  

De plus, la disponibilité du crédit d’impôt de base d’un particulier (variable D dans la formule ci-dessus) est maintenant limitée à la moitié aux fins de l’impôt minimum. Cela comprend le calcul des crédits d’impôt pour dons. Par conséquent, en plus d’une inclusion dans le revenu (pour les dons de biens en immobilisation) qui n’existait pas auparavant, les crédits d’impôt admissibles ont également été réduits de moitié pour les contribuables assujettis à l’IMR.

Il est à craindre que les dons de bienfaisance entre vifs, notamment par des particuliers fortunés, soient atténués par ces mesures. Ces changements peuvent venir limiter les incitatifs aux dons de bienfaisance et sont particulièrement punitifs pour les contribuables qui perçoivent des revenus de dividendes et de gains en capital (par exemple en vendant une entreprise), pour lesquels les crédits d’impôt pour dons de bienfaisance auraient auparavant offert un certain allégement fiscal (en plus de favoriser le bien commun).

Il reste à voir si les nouvelles mesures de l’IMR auront une incidence importante sur les activités philanthropiques des plus hauts revenus du Canada. Toutefois, les modifications montrent que l’encouragement des dons de bienfaisance à l’aide de la politique fiscale est diminué.

La bonne nouvelle, c’est que cela pourrait s’avérer positif pour les stratégies d’assurance vie qui utilisent les dons de bienfaisance. Par exemple, l’IMR ne s’applique pas l’année du décès et les crédits d’impôt pour les dons de bienfaisance d’actions de société privée par la succession d’un propriétaire d’entreprise (qui pourraient être reportés à la déclaration de revenus finale) sont toujours disponibles. Le fait de les racheter au moyen du produit d’un contrat d’assurance vie peut générer des résultats significatifs pour la succession et pour le donataire reconnu (consultez l’article Dons de bienfaisance et assurance vie). Lorsque les clients sont enclins à faire des dons de bienfaisance, l’assurance vie peut être mise en place pour appuyer ces objectifs ainsi que la préservation de la succession. 

Assurance vie à effet de levier – prêt personnel

Les modifications prévoient de limiter à 50 pour cent les déductions d’intérêts et de frais de financement pour tirer un revenu aux fins de calcul du revenu imposable rajusté d’un contribuable. Cela concerne la possibilité de déduire des intérêts lorsqu’on emprunte personnellement en cédant un contrat d’assurance vie en garantie, de sorte qu’en cas d’application de l’IMR, la limitation de la déductibilité des intérêts pourrait avoir une incidence sur le taux de rendement interne des stratégies personnelles d’assurance vie à effet de levier. Cette limite est également un facteur dissuasif pour les contribuables qui souhaitent déduire les intérêts d’un emprunt d’actionnaires au moyen d’un contrat d’assurance vie détenu par une société, ce qui vient s’ajouter aux pièges existants des frais destinés à couvrir les garanties, des avantages conférés aux actionnaires, etc. Les clients et leurs conseillers doivent être particulièrement prudents lorsqu’ils étudient les options à effet de levier pour lesquelles le particulier est l’emprunteur, si l’IMR risque de s’appliquer.

Autres aspects

En plus des réflexions ci-dessus, il est à noter que les fiducies familiales ne sont pas assujetties à un montant minimum de revenus pour l’application de l’IMR. Les fiduciaires doivent maintenant tenir compte de l’application de l’IMR sur les revenus de la fiducie et de l’inadéquation possible, lorsque les revenus sont distribués aux bénéficiaires, mais que les déductions sont limitées à 50 pour cent, comme nous l’avons évoqué ci-dessus. Le défi posé par l’IMR en matière de fiducies est que de nombreuses fiducies ne sont pas admissibles à l’exemption de base de 173 000 $. Par conséquent, ces fiducies pourraient être assujetties à l’IMR pour chaque dollar conservé dans la fiducie.  

Les fiducies viagères (fiducies en faveur de soi-même, fiducies mixtes au profit du conjoint ou fiducies au profit du conjoint) ne sont également pas admissibles à l’exemption de base. Cela peut s’avérer problématique dans les cas où une fiducie au profit du conjoint a été établie pour le conjoint issu d’un second mariage. Souvent, ces fiducies sont établies de façon à ce que le revenu soit attribué au conjoint et que les gains en capital ou les capitaux soient conservés pour les enfants à titre de bénéficiaires résiduels après le décès du conjoint. Dans les cas où les gains en capital sont conservés dans une telle fiducie au profit du conjoint et où tous les autres revenus sont répartis hors de la fiducie, puisque la déduction de 173 000 $ (en 2024) n’est pas disponible, la fiducie sera assujettie à l’IMR chaque année sur ses gains en capital et n’aura aucune autre source de revenu pour créer l’impôt de la partie I afin de compenser la déduction de l’IMR.  

Il existe certaines exceptions aux règles générales de l’IMR sur les fiducies. Les successions assujetties à l’imposition à taux progressifs (SAITP) sont maintenant exonérées de l’IMR en vertu des modifications. L’IMR initial proposé dans le budget de 2023 prévoyait que les SAITP ne seraient admissibles qu’à l’exemption de base de 173 000 $. À titre de rappel, les SAITP sont créées lorsqu’une personne meurt et elles ne peuvent exister que pendant 36 mois. Si l’administration d’une succession se prolonge au-delà de 36 mois, la SAITP devient une fiducie testamentaire ordinaire et elle est assujettie à l’IMR. Les fiducies admissibles pour personnes handicapées (FAPH) seront admissibles à l’exemption de base de l’IMR augmentée. L’application de l’IMR peut donner l’occasion d’étudier les avantages du report d’impôt de l’assurance vie, lorsque l’on envisage l’utilisation ou le placement de l’actif de la fiducie (consultez l’article Fiducies et assurance vie – Notions de base).

Conclusion 

La mise en place de l’IMR visait un nombre relativement faible de personnes à revenu élevé qui semblaient payer moins que leur juste part en vertu du cadre normal. Toutefois, selon cette version des règles, les modifications pourraient ratisser bien plus large que la cible étroite des contribuables qui pratiquent l’évitement – en particulier ceux qui ont des revenus « irréguliers » – étant donné que le cadre de l’IMR limite le traitement fiscal préférentiel de certaines activités et pourrait maintenant s’avérer punitif à l’égard des imprudents. 

Le point positif est que les contrats d’assurance vie exonérés demeurent un excellent moyen de surprovisionnement et de croissance à l’abri de l’impôt sans être soumis à l’IMR.  



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